Si l’ancien footballeur est arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, le second s’annonce bien plus serré. Comme Ellen Johnson-Sirleaf l’a fait en 2005, Joseph Boakai semble en mesure de le rattraper…
Avant même que les résultats du premier tour de la présidentielle ne soient publiés, ses amis félicitaient George Weah pour son nouveau job : président du Liberia. Sauf que dans le monde de la politique les résultats mettent plus de temps à émerger que sur un terrain de football. Ils avaient sans doute cru les prédictions de l’ex-buteur, qui n’a jamais manqué de confiance en lui : dans ses interviews, il annonçait sa victoire dès le premier tour.
En réalité, pour le Ballon d’or 1995, rien n’est joué. Certes, il arrive largement en tête du premier tour avec 38 % des suffrages, contre 28 % pour Joseph Boakai, l’actuel vice-président. Mais de l’aveu même de ses proches il a, a priori, assez peu de réserve de voix. Déjà, lors de la présidentielle de 2005, où il était opposé à Ellen Johnson-Sirleaf, il disposait d’une substantielle avance à l’issue du premier tour (8,5 %), mais il avait été largement battu au second, son adversaire l’ayant emporté avec près de 60 % des voix.
Incertitudes
Disposant d’un électorat majoritairement jeune et urbain, George Weah, 51 ans, a davantage de mal à faire le plein de voix en zone rurale. Et il est difficile d’évaluer l’impact qu’aura sur le résultat final le choix de sa vice-présidente, Jewel Howard-Taylor, ex-épouse de l’ancien président Charles Taylor, condamné pour crimes contre l’humanité par la CPI. Dans ses interviews, l’ex-First Lady annonce qu’elle va jouer un rôle actif sur l’échiquier politique en cas de victoire. Une prise de position qui peut inquiéter les électeurs et certains bailleurs de fonds, notamment aux États-Unis, où la candidature de George Weah n’est pas forcément vue d’un bon œil.
L’ancien footballeur a par ailleurs eu des conversations téléphoniques avec Charles Taylor, détenu en Grande-Bretagne, et ne nie pas vouloir recueillir les voix des « nostalgiques » de l’ex-président. « Dans notre pays, pratiquement tout le monde a participé à la guerre. Si vous commencez à montrer du doigt certaines personnes, alors personne ne pourra se présenter aux élections », se justifie-t-il. Joseph Boakai a quant à lui fait le choix d’un colistier plus consensuel en la personne d’Emmanuel Nuquay, qui appartient à l’une des grandes ethnies du pays.
Joseph Boakai rassure le monde des affaires
Autre écueil pour Weah, les deux candidats arrivés en troisième et quatrième positions sont plutôt favorables à Boakai. Charles Brumskine a réuni 9,8 % des suffrages. Cet avocat qui fut brièvement président du Sénat sous le règne de Taylor, avant de se brouiller avec lui, penche plutôt du côté de Boakai. Il en va sans doute de même pour Alexander Cummings. La politique économique de Joseph Boakai rassure cet ancien cadre dirigeant de Coca-Cola et le monde des affaires en général.
D’autre part, dans le pays, George Weah est considéré par beaucoup comme le candidat d’Ellen Johnson-Sirleaf, et ce soutien n’est pas du goût de tous les électeurs. La présidente sortante compterait sur son élection pour préserver les intérêts de ses proches. Par ailleurs, avec un ex-footballeur au palais, elle aurait toutes les chances de rester la référence en matière de gouvernance.
Lors de la présidentielle de 2005, Ellen Johnson-Sirleaf avait « taclé » George Weah sur son « CV » de footballeur. Mais la situation a changé. L’ancien buteur a été élu sénateur en 2014. Il maîtrise mieux la communication politique, et son équipe de campagne a gagné en maturité. Mais il n’a aucune expérience gouvernementale, contrairement à son adversaire, qui a exercé les fonctions de vice-président pendant les deux mandats d’Ellen Johnson-Sirleaf.
Jouer à fond jusqu’à la dernière seconde
George Weah se targue d’être le candidat du peuple : il a grandi à Gibraltar, quartier populaire de Monrovia. Mais Joseph Boakai a lui aussi des origines modestes. Alors que pendant des décennies la vie politique et économique du Liberia a été dominée par les « Congos », les descendants des anciens esclaves affranchis, qui représentent à peine 5 % de la population, les deux candidats sont des natives (« autochtones »).
Dans ce duel, l’aspect financier va également compter. La campagne pour l’élection du 7 novembre va coûter cher. Lequel sera le plus à même de mobiliser ses réseaux et de réunir des fonds ? Pour gagner la partie, il faudra jouer à fond jusqu’à la dernière seconde du match.
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