Monsieur,
C’est avec un grand intérêt que j’ai suivi à travers les medias, votre passage devant les députés en ce mois de décembre 2018 où vous avez profité pour parler du contrôle qualité et de la sécurité sanitaire des aliments dans notre pays. J’aurais bien voulu être dans la salle pour vous poser des questions, clarifier et vous recadrer sur certains aspects techniques et scientifiques liés à ce domaine, mais n’ayant pas actuellement cette confiance du peuple de Guinée pour y être, j’ai décidé de m’exprimer à travers cette lettre en abordant les points suivants :
Votre méconnaissance du secteur
Monsieur le Ministre,
Vous affirmez, je cite« Cette farine a été certifiée impropre à la consommation par l’Office national de contrôle de qualité» et plus loin vous dites encore «Nous avons eu le même cas avec le riz qui avait été certifié impropre à la consommation. L’Office national de contrôle de qualité avait suggéré à ce que le riz soit recyclé pour l’alimentation du bétail.»
Deux enseignements peuvent être tirés de ces propos. Premièrement, vous ne connaissez pas la notion de certification, et je suis désolée de vous informer que la certification est un constat de conformité d’un produit vis-à-vis de certaines normes, donc elle est gage de la qualité. Si une farine ou n’importe quelle denrée alimentaire est impropre à la consommation, elle ne peut pas être certifiée. En claire, seule la qualité est certifiable et jamais la non-qualité. En plus, elle est faite par un organisme agrée et indépendant. A ce jour, l’Office Nationale de Contrôle de Qualité (ONCQ) est loin d’avoir les compétences en la matière.
Deuxièmement, pour vous et pour l’office, lorsqu’un aliment est impropre à la consommation humaine, comme les farines et riz moisis, il peut être réservé aux animaux (bétails). Monsieur le ministre, je vous demande d’arrêter, car le commun des mortels sait que les aliments moisis sont nuisibles aussi bien chez l’homme que chez l’animal, et possède un pouvoir cancérigène élevé. Sans aborder d’autres aspects de vos propos, ceci montre clairement que vous êtes dans un secteur où vous n’avez ni le management nécessaire et ni la maitrise d’aucun aspect technique et scientifique pour pouvoir relever le défi en terme de qualité alimentaire.
Situation réelle du contrôle qualité en Guinée
L’Office Nationale de Contrôle de Qualité avec son personnel vieillissant utilisant des vieilles procédures associé au manque criard d’équipements modernes a des difficultés à ce jour à apporter l’ensemble des garanties à la population, en termes de sécurité sanitaire des aliments qui restent un enjeu majeur dans le monde. Le pays souffre de l’absence d’un système fiable de contrôle des denrées alimentaires basé sur des concepts modernes, mondialement admis et inscrits au corpus du Codex Alimentarius.
L’absence d’un tel système soulève également de nombreuses difficultés qui comportent des incidences économiques majeures. Par exemple, notre cher pays la Guinée se voit depuis quelques années dans l’impossibilité d’envisager les exportations de certains produits notamment les produits halieutiques et l’huile de palme qui sont refusés par les pays importateurs, comme ceux de l’Union Européenne. A cela s’ajoute la prolifération exponentielle des produits alimentaires importés non contrôlés qui sont en partie responsable de certaines maladies dans le pays notamment le diabète et les maladies cardiovasculaires. Tout ça, parce que vous et les personnes qui vous ont précédés à la tête de ce département n’ont jamais pu ou voulu mettre en place une politique fiable, concrète et cohérente dans le domaine du contrôle qualité. Avec cette situation, comment pouvez-vous Monsieur le ministre, nous parler de la certification au sein de l’ONCQ ?
Monsieur le ministre du commerce,
Le contrôle qualité des aliments n’est pas un simple mot ou un verbe, il est aussi loin d’être une théorie accompagnée des mensonges d’Etat comme vous le faites, mais c’est un véritable exercice scientifique quotidien, rigoureux et sérieux, impulsé et réalisé par des cadres administratifs et techniques compétents, bien formés et bien payés (pour faire barrage à la corruption). On ne peut pas parler actuellement du contrôle qualité dans un pays respectueux sans l’utilisation des méthodes chromatographiques et spectrométriques et il en n’existe nulle part dans notre pays. Ni dans les universités, ni dans les centres de recherche, non plus à l’ONCQ. Je vous mets au défi de me prouver le contraire.
Monsieur, si vous voulez renverser cette situation dangereuse et honteuse de notre pays, qui expose ses citoyens y compris vous et moi, aux risques liés à la consommation des denrées alimentaires impropres à la consommation et qui ne tiennent compte d’aucune contrainte nutritionnelle, il faudra urgemment à notre pays:
Une législation alimentaire : Elle doit être l’expression de la volonté de l’état d’assurer la garantie et l’innocuité des aliments afin de protéger les consommateurs.
Des infrastructures appropriées avec des équipements modernes: Ces infrastructures et équipements doivent être mis à la disposition d’une institution dénommée « Agence Nationale de la Sécurité et de la Qualité des Aliments (ANSQA) » en lieu et place de l’Office Nationale de Contrôle de Qualité.
Des cadres administratifs compétents, intègres, rigoureux et bien rémunérés: Composés des inspecteurs, des techniciens de laboratoire, des juristes, des journalistes, des nutritionnistes, des ingénieurs en technologie alimentaires, des chimistes etc… Ces personnes auront non seulement pour missions d’assurer la conformité des aliments importés ou fabriqués localement aux exigences nationales et/ou internationales, mais aussi de garantir l’honnêteté et la loyauté dans les transactions commerciales des produits alimentaires avec l’exactitude de l’étiquetage.
Espérant que vous tiendrez compte des recommandations ci hautes, je vous prie de recevoir les salutations d’un citoyen indigné de la prolifération des aliments impropres et adultérés dans le pays faute de moyen mis à la disposition des services de contrôle qualité des aliments.
Je vous remercie
Par Ibrahima Diari DIALLO
Doctorant en Sciences et Technologies des Aliments
à l’Université de Montpellier
E-mail : mougnal13@gmail.com
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