Le coup d’Etat n’est pas consommé malgré les apparences
Depuis l’annonce du nouveau sommet des Chefs d’Etat de la CEDEAO prévu le 10 août 2023 à Abuja, au Nigéria, les supputations vont bon train sur le coup d’Etat qui serait, selon les pessimistes et les gens peu informés, déjà consommé. Il n’est est rien du tout malgré les apparences. En réalite, après la réunion des chefs d’état- major des armées des pays membres de la CEDEAO et les différentes médiations entreprises auprès de la junte nigérienne, l’instance sous-régionale doit se réunir pour, d’une part, faire le compte rendu de toutes les démarches de dialogue avec le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie( CNPS), et d’autre part, prendre connaissance et adopter le plan d’actions de l’intervention militaire avec tous les moyens qui vont avec.
En attendant cette rencontre déterminante et décisive des Chefs d’Etat le 10 août prochain, les missions de médiation se poursuivent avec Niamey.
Ainsi la sous-secrétaire d’Etat américaine, Victoria Nuland, connue comme une diplomate chevronnée et influente dans l’administration Biden, a fait le déplacement de la capitale nigérienne pour échanger avec les putschistes afin de leur donner une chance de ne pas sortir de cette crise la queue entre les jambes. Malheureusement les putschistes n’ont pas eu l’intelligence et la sagesse de saisir cette occasion ultime et sont restés droit dans leur aveuglement, leur insouciance et leur entêtement à s’accrocher à un pouvoir illégitime et illégal que le monde entier rejette. Ils ont même poussé la bêtise humaine en lui réservant un accueil de mépris contraire aux usages diplomatiques, à la culture et aux valeurs de l’hospitalité légendaire du peuple africain en général et des Nigériens en particulier. L’émissaire américain n’a pas été reçu par le chef d’Etat autoproclamé, le général Abdourahman Tchiani alors qu’au même moment il recevait des émissaires du Burkina et du Mali. Victoria Nuland n’a pas non plus été autorisée à rencontrer le Président Mohamed Bazoum. Et sa demande de libération du fils de 20 ans de Bazoum n’a pas été accordée. En adoptant une posture belliqueuse, les putschistes de Niamey ne se rendent pas comptent qu’ils révèlent leur vraie nature. Ils viennent de commettre une erreur monumentale face à la première puissance économique et militaire du monde qui plus est, a une base de 1000 soldats au Niger.
Une délégation tripartite CEDEAO-UA-ONU devrait se rendre ce mardi 8 août à Niamey pour rencontrer les putschistes. Contre toute attente, une lettre a été envoyée aux autorités de la CEDEAO les informaant que la junte ne pourra pas recevoir cette mission au motif fallacieux de fermeture de l’espace aérien et de climat de colère des populations nigériennes contre la CEDEAO.
Pourtant, quelques heures auparavant, les putschistes avaient envoyé une délégation présenter leurs excuses à la CEDEAO et aux chefs d’Etat pour leur refus de recevoir les émissaires de l’organisation et ont par la même occasion exprimé leur disponibilité au dialogue.
En tout état de cause, un compte rendu de toutes ces missions de bons offices sera fait au sommet de la CEDEAO et toutes les conséquences seront tirées.
Dans la foulée du refus du dialogue, le général Tchiani a nommé, dans la soirée du lundi 7 août, Lamine Zeine comme Premier ministre pour donner l’impression qu’il tient véritablement les commandes de l’Etat. Dans la réalité des faits, la panique règne dans le camp des putschistes et se traduit par la fermeture de l’espace aérien par crainte d’une intervention militaire et la paranoïa du général Tchiani qui s’est réfugié et bunkérisé dans son camp. Les membres du CNPS ne peuvent pas avoir accès à lui en dehors de quelques privilégiés comme le général Salifou Modi que les soldats de la garde présidentielle fouillent comme un vulgaire individu et désarment avant toute audience avec leur chef.
Autre fait qui alimente les conversations à Niamey: la nomination d’Ali Zeine, natif de la région de l’Est, montre une fois de plus la gestion ethnique de la junte après la mise à l’écart des officiers de l’Ouest à la tête des forces armées nationales. Ali Zeine, a certes été ministre des finances mais il n’a pas le tempérament, l’étoffe et l’envergure politique pour occuper la Primature dans un tel contexte. Connu n’étant pas sociable, il n’a aucun soutien politique ni réseau influent à linterieur et à l’extérieur du pays. Par ailleurs le chef de gouvernement du général Tchiani est un personnage dont la vie privée passe difficilement dans la société nigérienne.
Une chose est sûre, malgré les gesticulations de la junte, la sérénité est la chose la moins partagée chez les putschistes au point qu’ils s’accrochent à tout. Comme le dit ce proverbe camerounais, quand on se noie, on s’accroche à tout, même au serpent. Sinon comment des officiers généraux de l’armée nigérienne peuvent prendre pour référence le Burkina Faso et le Mali empêtrés dans d’énormes difficultés sur le front sécuritaire et dont les armées sont régulièrement mises en déroute par les groupes terroristes? Comment un officier comme le colonel Assimi Goita qui a déserté le front en 2012 avec le général Gamou pour traverser la frontière nigérienne et qui a été ramené par la suite au Mali à bord d’un bus peut-il être un modèle pour des hauts gradés de l’armée du Niger? Comment un petit capitaine fanfaron comme Ibrahim Traoré qui a également fui le front au Centre-Nord du Burkina pour se vautrer dans les salons feutrés de Ouaga bavardant à longueur de journée et qui souffre de pathologies mentales et est suivi par un médecin Dr Sawadogo pour sa dépendance trop prononcée aux amphétamines, peut-il être un modèle pour des généraux nigeriens?
En somme comment ces pieds nickelés de Bamako et de Ouagadougou qui ont plongé leur pays dans une insécurité jamais vue dans leur histoire politique peuvent-ils être les conseillers de hauts gradés de la vaillante armée nigérienne? C’est le comble. Le général Tchiani et ses comparses ne font pas honneur au Niger dont la situation sécuritaire s’est beaucoup améliorée depuis que le Président Bazoum a pris les rênes de l’Etat. Tenez, depuis deux ans, la région de Diffa n’a pas subi une seule attaque terroriste. Et si Niamey, qui est à portée de tir de l’épicentre du terrorisme, est épargnée jusque-là par les groupes armés c’est grâce aux efforts conjugués de l’armée nigerienne et de ses partenaires occidentaux. Si le Niger perd ces soutiens, des hordes de terroristes pourraient déferler par milliers à moto et en pick up sur la capitale nigerienne. Du reste, la junte vient de commettre une erreur stratégique en mobilisant toutes les troupes de la région de Diffa pour la frontière avec le Nigéria et le Bénin par peur de l’intervention militaire de la CEDEAO exposant gravement cette zone aux actions meurtrières des bandes armées. A l’heure actuelle, il n’y a aucun soldat à Diffa et la localité peut tomber dans les heures qui suivent entre les mains de Boko Haram ou d’autres groupes armés terroristes. Le risque est imminent. Et si le Niger est déstabilisé par les actions des mouvements terroristes armés c’est toute la sous-région et partant le continent qui sera confronté à une grave instabilité.
Toutes les mesures et décisions prises jusque-là par le général Tchiani et son CNPS donnent une idée de leur état d’esprit et du type de dirigeants qu’ils sont.
Le Niger mérite mieux que ça. Et l’intervention militaire qui n’a jamais été abandonnée pourrait être lancée à tout moment pour débarrasser les Nigériens de ce groupe d’officiers félons, avides de pouvoir et d’argent afin de faire triompher la démocratie et l’état de droit.
Samir Moussa
Niamey, Niger
Commentaires récents