Actualité, Politique

Colonel Mamadi Doumbouya,  nationaliste ou panafricaniste?

UN DISCOURS ALAMBIQUE ET PLEIN DE MALADRESSES ! ( Par Famany Condé)

Pour de nombreux guinéens, la présence du colonel Mamadi Doumbouya à la 78ème Assemblée générale des Nations Unies a été perçue comme une fierté. Cela démontre que la Guinée compte parmi les 193 membres de cette organisation planétaire, voir son chef d’Etat prendre part à une telle rencontre est un véritable motif de satisfaction. La présence du colonel n’est pas exceptionnelle à cause des principes du Droit public international qui autorise tous les chefs des Etats membres à assister ou à se faire représenter à cette rencontre. Il n’est pas venu à New York en tant que colonel Mamadi Doumbouya mais, comme le président de la transition, celui qui incarne la nation guinéenne au nom de laquelle il a obligation de livrer un message. C’est en réalité un non-événement pour lequel des milliers de dollars ont été dépensés pour organiser la Mamaya dans un pays qui n’en a pas besoin.

Pour certains, sa présence à cette Assemblée générale n’était pas opportune, il pouvait se faire remplacer par son premier ministre ou son ministre des affaires étrangères. Malheureusement il a tenu à faire le déplacement à New York en dépit des sanctions qui pèsent sur son pays, pour braver la CEDEAO, l’Union Africaine et la communauté internationale. Même là encore on pouvait comprendre sa volonté de parler au nom de son pays, il pouvait dans ces conditions bénéficier d’une certaine faveur ou attention de ses pairs. Mais contre toute attente, le colonel Mamadi Doumbouya a livré un message des plus ambigus, des plus maladroits et plein de paradoxes.

Celui qui a rédigé ce discours est en déphasage avec les réalités de la Guinée et de la géopolitique mondiale. Le simple fait de vouloir se justifier pour son putsch perpétré le 5 septembre 2021 contre un président démocratiquement élu, a été sa plus grosse erreur. Les motifs par lui évoqués le lient mains et pieds et ne le dédouanent aucunement. Lorsqu’il évoque l’épidémie de coups d’Etat en Afrique, il reprend les propos de Macron. Ce qu’il refuse de reconnaitre c’est son implication effective dans la réussite du troisième mandat qu’il veut aujourd’hui condamner. Parler de fausses promesses ne sied pas au colonel Mamadi Doumbouya car, c’est cela son talon d’Achille aujourd’hui dans son pays. Il parle de corruption, de mal gouvernance et la mauvaise répartition du revenu national. Le plus grand corrupteur est aujourd’hui le CNRD qui a eu le courage de prendre l’argent du contribuable pour s’attirer les faveurs de certains guinéens de la diaspora en Amérique du Nord.

L’habitude étant une seconde nature, le CNRD a exporté vers les USA ses méthodes perverses de parvenir à ses fins : distribuer de l’argent pour acheter la conscience des gens. En ce monde devenu un village planétaire, le moindre évènement se retrouve facilement à la place publique. La perplexité du discours réside dans le fait que le colonel Mamadi Doumbouya a donné l’impression du faux brave. Ce qu’il a voulu dire, il a manqué de courage pour aller jusqu’au bout de ses idées, on sentait en lui de la dubitation. D’une part il a voulu imiter le jeune capitaine Burkinabé et de l’autre le panafricanisme de Sékou Touré à cette même tribune. Seulement que les temps sont différents et les hommes aussi.

En remontant jusqu’à la fameuse conférence de la Baule, il flétrit le comportement de la France qui a imposé le modèle démocratique européen comme l’unique voie à suivre pour les peuples africains. Il dénonce l’incompatibilité de cette méthode aux réalités africaines, il rejoint ainsi le président Jacques Chirac qui a très tôt dit que la démocratie est un luxe pour l’Afrique. De façon subtile il condamne cette démocratie qui est un moyen pour l’Occident de s’ingérer dans la vie intérieure des peuples africains. N’est président que celui qui peut sauvegarder leurs intérêts car pour eux l’Afrique est une chasse gardée.

Mais là également il fait de l’autoflagellation car là où il est aujourd’hui, il le doit à la bénédiction et au soutien de la France. Une sagesse africaine enseigne : « Il ne faut pas s’assoir sur une termitière pour discréditer les termites ». C’est une évidence pour tous que la France est derrière le colonel Mamadi Doumbouya car, elle n’a jamais parlé de la situation guinéenne comme elle le fait avec le Mali et le Burkina. Renier cet état de fait devant le monde c’est se tirer une balle dans les pieds. Ce sentiment de panafricanisme qu’il a voulu prouver en disant qu’il n’est ni pro américain, pro chinois, pro russe, pro français ou encore moins pro turc le ridiculise, le vrai panafricaniste n’a pas une double nationalité. Il a dit vrai en déclarant que la jeunesse africaine d’aujourd’hui n’est plus celle des années 60, elle est devenue mature et ne se gêne pas de prendre ses responsabilités.

Le discours du colonel Mamadi Doumbouya a été un hors sujet nulle part il n’a évoqué la question de la paix et de la sécurité qui étaient les mots clés de l’ordre du jour de cette de cette 78ème Assemblée générale. Tout le peuple de Guinée s’attendait à un discours qui plaiderait en faveur du pays, qui parlerait de sa situation économique, politique et sociale, mais en vain car, nulle part dans son discours il a été question de la transition ou du retour à l’ordre constitutionnel. A l’entendre demander à ce qu’on leur accorde la chance pour gérer le pays comme ce fut le cas ailleurs, prouve à suffisance que colonel Mamadi Doumbouya n’est pas prêt à céder le pouvoir. Il n’est pas président de l’Afrique pour s’ériger à ce niveau, il n’est rien d’autre que le président d’une transition temporaire.

Sa volonté de confisquer le pouvoir ne souffre d’aucun doute maintenant, il s’est attaqué à la CEDEAO en disant que cette institution a été créée pour un but économique et non politique. Pourtant il avait pris des engagements avec cette CEDEAO pour demander 24 mois de transition, et le voir renier son engagement à ce niveau n’est pas responsable. Au lieu de chercher à se justifier pour son coup d’Etat en accusant le Pr. Alpha Condé d’avoir modifié la constitution qui selon lui est aussi un coup d’Etat, il a intérêt plutôt à respecter ses engagements du 5 septembre 2021, organiser les élections et rendre le tablier. En tant que légionnaire de la France qu’il le reconnaisse ou pas, il est établi que colonel Mamadi Doumbouya est au service de cette France qui l’a formé, soutenu et programmé contre la Guinée.

Ceux qui partagent ou qui vivent des retombées de Mamadi Doumbouya sont les seuls à magnifier ce discours qui n’a pas répondu à l’attente des guinéens. L’angoisse et l’anxiété sont aujourd’hui dans le camp du CNRD qui attend de recevoir l’effet boomerang de ce fameux discours. La communauté internationale a largement compris l’homme, la France également qui est aujourd’hui bouleversée par le sentiment anti français grandissant. Si celui qu’il croit protégé est attaqué par le virus du panafricanisme, cela veut dire qu’il n’est plus l’homme de la situation. Un peuple qui a dit non au Général De Gaule ne manquera pas de courage à rejeter Macron et sa France.

Avec un tel discours, la situation chaotique dans laquelle se trouve le peuple de Guinée, risque de s’exacerber avec la méfiance des investisseurs étrangers à investit dans un pays aux dirigeants incertains. La pauvreté a atteint son paroxysme dans le pays, les trois repas qui jadis étaient facilement gagnés sont devenus impossibles. Difficilement si les familles arrivent à trouver aujourd’hui le repas unique pendant ce temps, Mamadi Doumbouya et ses hommes distribuent des milliers de dollars pour son soutien. A vrai dire le chef de la junte se moque du peuple de Guinée auquel il n’accorde aucune considération. Il est désormais convaincu que la Guinée est devenue sa propriété privée, il peut l’imposer tout ce qu’il veut et faire également tout ce qu’il veut.

Les maux dont souffre le peuple de Guinée que colonel Mamadi Doumbouya a occultés à la tribune des Nations-Unies sont entre autres la pauvreté, l’injustice, la corruption, le manque de transparence dans la gestion des affaires de l’Etat, l’insécurité et le manque de cohésion sociale. S’il avait eu le courage de peindre le tableau de la Guinée, des solutions d’accompagnement seraient trouvées pour la réussite de la transition. Mais vouloir défendre une souveraineté hypothéquée par la duplicité et l’inconscience des dirigeants n’est qu’absurdité. Quand on n’a pas les moyens de sa politique, il faut être respectueux des principes des Relations internationales. Une junte qui demande plus de 6 mille milliards pour organiser les élections a-t-elle le droit d’exhiber une quelconque souveraineté.

La véritable descente en enfer du peuple de Guinée va maintenant s’accentuer car les choses deviendront de plus en plus difficiles. La société civile, les partis politiques en un mot les forces vives ont analysé et compris le discours du colonel Mamadi Doumbouya, il leur reviendra désormais d’adopter une nouvelle stratégie pour contraindre ces bidasses à retourner à l’ordre constitutionnel. La junte au pouvoir doit cesser de se cacher derrière les discours populistes et nationalistes creux qui sont devenus une ritournelle pour les guinéens. Elle doit savoir que la transition n’est pas un mandat qu’elle cesse d’endormir la conscience des guinéens par des actes qui n’ont aucun impact sur le quotidien du guinéen. Le discours de Mamadi Doumbouya n’a pas répondu à l’attente des guinéens dans la très grande majorité. Rien que les manifestations anti CNRD aux Etats-Unis doivent donner à réfléchir, dire que c’est des milliers de dollars qui ont été déboursés pour convier des hommes et même des non guinéens pour le soutenir témoigne à suffisance de son manque de crédibilité.

Que le bon Dieu protège et sauve le peuple de Guinée aujourd’hui dans la tourmente !

 

 

 

 

 

 

 

 

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