Les incertitudes de la situation économique mondiale, les difficultés de l’Afrique centrale dues à la baisse du prix du pétrole et les progrès de l’intégration commerciale en Afrique de l’Ouest suscitent à nouveau une réflexion sur l’avenir de la Zone franc.
Celle-ci a plus de cinquante années d’existence et a connu de nombreuses réformes qui, tout en laissant subsister les principes de base — fixité du taux de change des francs CFA et garantie de disponibilité des devises grâce aux comptes d’opérations des Banques centrales (BCEAO et BEAC) auprès du Trésor français — ont montré sa capacité d’adaptation à des situations nouvelles. Comme par le passé et selon la demande des États africains, elle peut évoluer à nouveau.
Plusieurs options s’ouvrent au réformateur, qui ont chacune des avantages et des inconvénients. On pourrait supprimer l’unanimité des chefs d’État pour un changement de parité ou créer une bande de fluctuations pour le cours du change autour de la parité ou encore rattacher les francs CFA à un panier de monnaies.
Cette dernière solution est souvent prônée car, ainsi, lors de variation du cours de change de l’euro contre le dollar (ou d’autres monnaies du panier), la dépréciation ou l’appréciation des francs CFA à l’égard de ces monnaies serait automatiquement atténuée. Encore faudrait-il que la composition du panier fasse l’objet d’un consensus et que les opérateurs s’habituent à une certaine instabilité du taux de change CFA / Euro.
Une autre option plus radicale serait d’adopter un flottement contrôlé du taux de change. Cette solution impliquerait un nouveau transfert de souveraineté des États à la Banque centrale auquel les pays africains de la zone auraient sans doute quelque peine à consentir. D’autre part elle pourrait ne plus être compatible avec la garantie illimitée d’apport en devises que donne le compte d’opérations.
Doit-on maintenir le compte d’opérations et la participation de la France à la gouvernance des Banques centrales ?
Par les comptes d’opérations, le Trésor français assure aux Banques centrales une disponibilité de devises sans limite fixée a priori et évite en cas d’épuisement des réserves une dépréciation incontrôlée et irréversible du taux de change.
Deux contreparties aux comptes d’opérations pourraient être assouplies. L’une est l’obligation faite aux Banques centrales d’y déposer une partie de leurs réserves de change. Du point de vue français, il n’y aurait guère d’inconvénient à supprimer cette obligation.
L’autre est la participation minoritaire de représentants français dans le Conseil d’administration et le Comité de politique monétaire de chaque Banque centrale. Si la participation de la France aux Conseils d’administration ne paraît pas essentielle, en revanche il est utile qu’elle continue à siéger dans les Comités de politique monétaire, à une fin d’information plus que d’influence.
Un élargissement des Unions rendu plus facile
Les réformes envisagées ici rendraient plus aisée l’adhésion de nouveaux États aux Unions monétaires, à l’ordre du jour en UEMOA. Jusqu’à présent les projets d’intégration monétaire de l’ensemble des États de la CEDEAO ont buté sur l’exigence de stabilité monétaire inscrite dans les fondements des deux Unions de la Zone franc.
Une adhésion État par État à l’UEMOA est plus réaliste. Certes, au fur et à mesure que s’étendrait l’UEMOA, l’engagement de soutien de la France à travers le compte d’opérations s’amplifierait. Mais en dehors du Nigéria dont l’adhésion à l’UEMOA n’est pas concevable, le poids économique des autres pays d’Afrique de l’Ouest demeure relativement faible par rapport à l’UEMOA et à la France.
Il serait dommage de « jeter l’enfant avec l’eau du bain ». Toute réforme devra s’appuyer sur une analyse économique des avantages et inconvénients. L’important est qu’elle s’opère à l’initiative des États africains.
JEUNEAFRIQUE
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